Sur les traces de Cana au Kosovo"La Provence" s'est rendue dans le pays natal du capitaine olympien et a rencontré ses proches.
Très attaché à ses racines, Lorik Cana s'est fait tatouer sur le biceps gauche un aigle à deux têtes symbole de l'Albanie.
Deux sujets majeurs préoccupent en ce moment la presse du Kosovo. Le premier concerne le nombre de pays qui, petit à petit, reconnaissent l'indépendance que cette ancienne province serbe a proclamée le 17 février 2008. L'autre thème traité par les journalistes des Balkans tourne autour de l'actualité de Lorik Cana.
"Il paraît que le Real Madrid veut l'acheter pour 20 millions d'euros. De toute manière, il ne se passe pas deux jours sans qu'il y ait un article sur lui", explique Veton Vula, 48 ans, "l'avocat du peuple", sorte de médiateur de la République au Kosovo. Veton Vula est aussi l'oncle du capitaine de l'OM.
"Je l'ai vu pratiquement naître, je l'aime comme mon fils, ajoute-t-il.
C'est surtout son père, Agim, footballeur pro, qui le poussait vers le ballon. Moi, je le poussais vers les études. Lorik a mieux réussi sur les pelouses qu'à l'école, même s'il a des diplômes en informatique et en gestion du sport."Le milieu olympien est une véritable star dans son pays.
"Venez avec moi interroger l’un des gamins qui sort de cette école de Pristina, notre capitale. Il ne connaîtra peut-être pas Madonna, mais à coup sûr il saura qui est Lorik Cana." Sa popularité s'explique par ses talents de joueur, un peu rugueux et engagé dans un rude pays d'amateurs de ballon. Mais aussi par l'amour qu'il porte à la terre qui l'a vu naître.
"Il a le casque des guerriers illyriens tatoué sur son bras droit, et sur le biceps gauche, l'aigle à deux têtes symbole de l'Albanie."
Aujourd'hui, à Pristina, la photo de Lorik Cana est sur les cahiers d'écoliers, les stylos, les mugs, les briquets... Elle trône en bonne place dans le restaurant de son cousin Rolandi, où on déguste de succulentes saucisses de foie de veau.
"Les soirs de match de l'Albanie, je tire les rideaux et on le regarde ensemble jouer à la télé", raconte-t-il.
Car Lorik Cana est né dans une famille indépendantiste.
"Quand il était petit, il venait tout seul me voir dans mon bureau du parlement", se souvient Gani Vula, son grand-père, qui a fait partie des premiers parlementaires à réclamer la fin de la tutelle serbe. Comme cet homme était alors recherché par la police de Belgrade, le jeune Lorik avait pour consigne de dire qu'il n'avait pas vu son grand-père depuis longtemps.
"Une consigne difficile pour un enfant de 7 ans, mais on savait qu'il avait compris l'importance de la situation", reprend Vula.
Lorik Cana porte haut son identité albanophone. Il joue dans l'équipe nationale d'Albanie, a été nommé le mois dernier Ambassadeur exceptionnel de l'Albanie après avoir été nommé ambassadeur du Programme des nations unies pour le développement. Il sponsorise nombre de clubs locaux.
Dans le moindre petit village, des gamins jouent au foot sur d'improbables terrains, avec des ballons le plus souvent crevés. "On aime Lorik car c'est un garçon simple. Il n'a pas la grosse tête, il n'a pas oublié son pays", explique Gazi, instituteur d'un village de 400 âmes lové dans un vallon enneigé.
Lorik a acheté un grand appartement dans le quartier des ambassades de Pristina. Ses grands-parents y vivent, les autres membres de sa famille y ont leur chambre quand ils passent. Au mur, une seule image rappelle qu'on est dans l'appartement d'un footballeur. Elle montre Lorik marquant le seul but de la rencontre OM-PSG du 16 octobre 2005.
Mais Gani Vula sort de son placard magique des dizaines de classeurs. Le grand-père conserve toutes les coupures de presse qui parlent de son descendant. De son écriture tremblante, il note tous les résultats du championnat de France, ainsi que le classement de l'OM.
"Je viens parfois à Cassis, où Lorik habite, et le gens viennent me saluer dans la rue quand ils savent qui je suis", sourit-il.
Sa grand-mère, surnommée Tseta, a d'autres soucis :
"Mes amies insistent pour qu'on lui trouve une épouse. Mais je leur dis que ça ne se fait plus, encore moins en France que chez nous..."
Un territoire sous tensionPendant des décennies, les Albanophones du Kosovo, musulmans à 60% et chrétiens à 40%, ont été considérés comme des citoyens de seconde zone par les Serbes qui dirigeaient la fédération de Yougoslavie. Les Serbes considèrent le Kosovo comme le berceau de leur identité nationale, mais au fil des siècles, ils se sont retrouvés moins nombreux que les Albanophones (200 000 face à 1,8 million).
En 1998, les Serbes ont lancé une purification ethnique sur ce territoire à peine plus grand que les Bouches-du-Rhône. Sous mandat de l'ONU, l'Otan a bombardé Belgrade jusqu'à la capitulation de Milosevic en 1999. Depuis, le territoire est administré par 3 000 employés de l'Union européenne, la sécurité est assurée par 17 000 soldats envoyés par l'Otan (dont 2 000 Français).